mercredi 8 mars 2006

Exclusif "La Gazette de Kolwezi" : Message des prêtres du diocèse de Kolwezi à leurs fidèles et aux "hommes de bonne volonté"

Source : un correspondant (laïque) de Kolwezi
Date de survenance : 7 mars 2006
Date de première publication sur Internet :
6 juillet 2006

Texte intégral ! :

DIOCESE DE KOLWEZI.

MESSAGE AUX FIDELES CATHOLIQUES ET AUX HOMMES DE BONNE VOLONTE.

Kolwezi, « si tu savais le Don de Dieu………….. » Jean 4,10

PREAMBULE

Nous prêtres de Kolwezi réunis pour une récollection à Nzilo le 7 Mars 2006, avons saisi cette occasion pour réfléchir sur l’avenir de la ville de Kolwezi et ses environs. Cette réflexion fait l’objet du présent message.

En effet, dans le cadre de la mission prophétique qui est la notre, fidèles à l’engagement de l’Eglise dans l’interpellation constante pour défendre la dignité humaine et le bien commun, en cette période préélectorale, notre message se veut une expression de notre aspiration à un avenir meilleur pour notre ville.

I. LES SIGNES D’ESPERANCE.

Sortant des cendres de la guerre de 1978 (guerre dite « de six jours »), du pillage général de 1991, de la chute de la Gécamines qui a entrainé une grande paupérisation de la population, la ville de Kolwezi semble revivre :
- Les commerces semblent prospérer ;
- Le transport en commun revit timidement ;
- Les kiosques et boutiques poussent comme des champignons ;
- Facilité de communication par l’implantation du téléphone cellulaire ;
- Naissance d’un centre universitaire et autres Instituts Supérieurs ;
- Libéralisation de l’exploitation minière ;
- Eveil spirituel : des manifestations spectaculaires des attitudes religieuses ;
- Proliférations de stations radios locales.

Ces signes d’espérance contrastent hélas, avec une situation inquiétante, des réalités dangereuses qui augurent un avenir sombre pour cette ville et ses environs.

II. LES INQUIETUDES.

2.1. Sur le plan spirituel.

Nous assistons à :

- L’implantation des lieux de culte à des endroits peu recommandables : anciens ateliers, anciens magasins ou bars, maisons d’habitation, bureaux officiels et publics destinés à l’administration des cités, etc. .. sont transformés en lieu de culte.
- La superstition et les manipulations des consciences par des charlatans dits prophètes : multiplication des accusations des enfants « sorciers » et des vieilles « sorcières », marchandage de la foi…
- L’expansion des œuvres de la chair (Ga.5, 20-21) : la magie, la haine, les divisions, la prostitution, etc.…
- La création des places dites « Permanence de prière 24h/24h », faisant délaisser à plusieurs leurs responsabilités sociales.

2.2. Sur le plan social.

a). Infrastructures :

- Enclavement de la ville : les routes de liaison (Kolwezi-Lubumbashi / Kolwezi-Kasaji /
Kolwezi-Kamina / Kolwezi-Lubudi, etc.…) sont fortement endommagées. De même les routes intérieures de la ville sont dans un état lamentable.
- Installation des fours et fonderies des minerais en plein quartier d’habitation au sein de la
ville.
- Les coupures intempestives d’eau et de courant électrique. Les délestages de plus en plus
nombreux sur toute la ville à cause de la vétusté et d es surcharges des transformateurs.

b). Education :

- La déscolarisation des enfants de plus en plus observée par manque des moyens financiers des
parents.

c). Santé :

- Les soins médicaux ne sont pas garantis suite au manque des médicaments et délabrement de
certaines anciennes grandes formations hospitalières.

d). Droits de l’homme :

La situation des Droits de l’homme à Kolwezi est vraiment alarmante :

- Les arrestations arbitraires des citoyens sont monnaie courante ;
- Les mauvaises conditions de détention dans les cachots (homme, femme et enfants dans une même cellule) et la prison ressemble à un mouroir vu l’état du lieu et les traitements dégradants des détenus : privation des repas aux détenus quand leurs familles n’auraient pas au préalable payé 500 FC aux geôliers en apportant le repas et privation de visite aux prisonniers pour les mêmes conditions ;
- L’intimidation des justiciables dans certaines juridictions ;
- Le conflit de compétence en matière de justice.

La lutte pour la dignité, le respect des droits fondamentaux, le respect des libertés individuelles et collectives à Kolwezi est loin d’être gagnée sans le concours de tous les acteurs de la vie sociale. Nous en appelons aux organisations de défense des droits de l’homme à assister la pauvre population.

2.3. Sur le plan de Constructions et Assainissement.

La ville de Kolwezi a été construite selon les normes urbanistiques. Ses maisons et ses voies de communication prouvaient à suffisance des études techniques définissant un tracé exact. Aujourd’hui nous assistons à un spectacle désolant que présente notre ville :

a). La détérioration avancée des routes comme nous l’avons signalé ci-haut.
- Des villages et des cités sont enclavés ;
- Les bouchages des caniveaux et des bouchages d’égouts ;
- Des routes sont établies empiriquement et circonstantiellement.

b). Les constructions anarchiques :
- Des boutiques, débits de bière, baraques, kiosques sont érigés devant des maisons obstruant la
beauté de ces dernières.

- Le non respect de l’emprise, c’est-à-dire la distance (6m) qui doit exister entre la chaussée et
l’habitation. Cette emprise est la partie réservée à l’Etat pour l’électrification, l’adduction
d’eau, la téléphonie, mais aussi chaussée pour piétons.

c). La vente des espaces verts.

- La vente et l’achat sans honte ni gène de la grande place de la poste ont offusqué plus d’une
personne. Quel que soit le type de bâtiment à y ériger, a-t-on songé au fait que c’est un grand rond point où la visibilité des conducteurs et des piétons doit être maximale ? A-t-on songé au fait que cet espace vert contribuait largement à la lutte contre l’érosion ? En outre, c’est une place historique pour les meetings des associations, mouvements, loisirs, kermesse…
- Les constructions des boutiques à la « place Malou » continuent à surprendre les habitants de Kolwezi. Voici son état des lieux :
Le réseau des égouts du Quartier Industriel aboutit en ce lieu. La nature du sol n’y permet pas de construction, l’avancée dangereuse de l’érosion a déjà attaqué les fondations des bâtiments… Les arrêts de bus son déplacés transformant l’ilot de parterre en route occasionnelle.

2.4. Sur le plan d’exploitation minière.

Nous assistons à Kolwezi à une intense activité minière de la part des multinationales, des artisans miniers et des négociants. Cette exploitation s’avère être sauvage, accélérée et abusive :
- Pas de transparence dans la production et l’exploitation ;
- Pas de transparence dans les retombées financières pour la ville ;
- Une présence massive des femmes et des enfants dans les carrières et mines ;
- Le transport inadéquat des jeunes gens (Nkwanda) qu’on amène dans les carrières comme des bêtes à l’abattoir ;
- Pas de prévision de sécurité sociale pour l’avenir de ces « Nkwanda » ;
- Exposition aux irradiations : pas de matériel approprié pour cette exploitation ;
- Expositions aux IST et VIH – Sida.

III. RECOMMANDATIONS.

1. Aux Gouvernements et autorités locales :

- Gérer la ville de Kolwezi dans la transparence et pour l’intérêt de la population toute entière ;
- Protéger spécialement les justiciables de l’arbitraire : les cachots et la prison s’emplissent des innocents sans défense. Les détenus ont le droit de recevoir la nourriture de la part de leurs familles sans payer ;
- Arrêter les tracasseries de la population en matière des taxes fantaisistes qui du reste souvent ne rentrent pas dans la caisse du trésor public et donc n’améliorent en rien la vie sociale ;
- Promouvoir les droits et libertés des citoyens à Kolwezi ;
- Lutter contre les squatters, c’est-à-dire ceux qui occupent anarchiquement les places publiques pour y ériger des propriétés privées : la place de la Poste, la Place Malou sont des biens de toute la population. Personne ne peut s’en arroger le droit de propriété comme si Kolwezi lui appartient. Tout doit être mis en œuvre pour que les occupants de ces places déguerpissent ;
- Arrêter les constructions et implantations des fonderies et autres usines minières dans nos quartiers résidentiels ;
- Que le service de cadastre ouvre des nouveaux lotissements en dehors de l’ancienne ville pour des éventuelles constructions des établissements d’éducation ou des usines et autres…
- Que les autorités locales veillent à divulguer le code minier à Kolwezi et ses environs et qu’elles fassent arrêter sans délais la présence des enfants et des femmes dans les carrières et mines.

2. Aux multinationales et négociants des pierres.

La population de Kolwezi n’est pas passive : elle doit jouir des avantages de votre exploitation minière notamment par :
- L’assainissement de son environnement ;
- La réfection des routes que vos camions poids lourds ne cessent de défoncer ;
- La participation à la fourniture en énergie électrique, en eau (les transformateurs électriques et les pompes). Il y a des cabines électriques qui ont flanché à cause des fonderies et usines en pleine ville ;
- Le respect de la dignité humaine : il y a des très mauvaises conditions de transport des travailleurs, pas de contrat de travail.
Nous crions haut et fort contre l’utilisation des enfants et des femmes dans les carrières pour assouvir à moindre frais votre appétit des pierres et de l’argent, semant la mort dans ce qui doit assurer l’avenir de la ville de Kolwezi et de notre société.

3. A la population.

Oh, peuple de Kolwezi, si tu savais le don de Dieu…, tu ne laisserais pas sucer tes richesses naturelles comme si tu étais une vache à lait, tu ne laisserais pas mutiler tes enfants, atrophier les femmes, tu resterais éveillé, tu ne te laisserais pas faire. Mets en place des mécanismes de surveillance de ton environnement, constitue des comités de surveillance des retombées financières au niveau local de tout ce qui se fait comme exploitation : minerais, bois, etc.…
En ce moment crucial de préparation aux élections, souviens-toi que tu essuies la honte de l’oubli, souviens-toi de ce qu’on a fait de toi : des quartiers entiers ne connaissent plus l’eau qui coulent au robinet, ne voient plus l’électricité depuis 14 ans suite à l’opération mitraille. Regarde le temps qui vient, ne vote pas pour ceux qui t’ont dépossédé hier de ce que tu avais de plus cher, ne te laisse pas acheter par ceux qui ont pillé tes ressources vitales. Regarde plutôt ces hommes et femmes, autochtones ou étrangers, consciencieux, soucieux de la promotion du bien commun et du développement de la ville de Kolwezi et ses environs. Donne ta confiance à qui la mérite.


CONCLUSION.

La ville de Kolwezi connaît une intense activité d’exploitation minière. Cette exploitation est le fait soit des multinationales, soit des petits négociants miniers.

Paradoxalement, la population est plongée dans une misère indescriptible. Le nombre des Jeep Toyota des exploitants contraste avec le dépouillement de la population : les autochtones ne sont que des ombres faméliques et pales exploités dans les carrières par un petit groupe détenteur des capitaux.
La mondialisation dans laquelle est embarquée la ville de Kolwezi devrait s’accompagner d’une certaine solidarité humaine.
La création est un don de Dieu à l’homme. Celui-ci a été mis dans le jardin non pas pour le détruire mais pour le cultiver et le garder (Gn 2,15).


Fait à Nzilo, le 07 Mars 2006.

POUR LES PRETRES PRESENTS A LA RECOLLECTION.

Abbé Pascal KUZO Abbé Richard KAVUD Abbé Alain KET

Père TSHIPANG Crispin, SDS Abbé Georges KALENGA